Soldat tatoué

Les tatouages des gangsters Parisiens

Illustration tatoueur à l'ancienne

Dans le Paris du 19ème siècle, le tatouage était méprisé par les classes bourgeoises, c’était une pratique uniquement réservée aux pauvres et aux criminels, qui se faisaient tatouer en prison pour la plupart, et ce dès leur adolescence lorsqu’ils étaient enfermés en maison de correction. 

Pour cette première occasion ils s’inscrivaient sur l’avant bras droit « enfant du malheur », c’était alors la première étape d’une longue série, chaque fois associée à un événement marquant de leur vie, comme la première femme aimée, ou encore la mère disparue.

Lorsqu’il s’agissait d’un tatouage dédié à des personnes on inscrivait alors le prénom, le surnom, ou les initiales, en ajoutant en dessous les trois lettres P.L.V. (Pour La Vie) et l’année de l’événement. On avait donc des motifs très spécifiques, qui ne s’adaptaient pas à tout le monde.

Image tatouage hommage

Mais à la fin du 19eme siècle on voit apparaitre la tendance du tatouage à Paris, il se démocratise et vient atteindre les autres classes que les pauvres et les voyous. Une tendance venue des explorateurs des pays lointains comme les marins ou les soldats de l’armée coloniale, notamment ceux du Bat d’Af ( Bataillon d’Afrique ). Ces soldats revenaient sur la capitale presque tous tatoués de leur voyage, soit par les autochtones, soit par leurs camarades. Ces tatouages faisaient ressortir un sentiment d’appartenance à un groupe, un sentiment d’expérience vécue, et c’est ça qui a plu !

Avec cet effet de tendance, on voit alors apparaitre dans Paris de plus en plus d’ouvriers qui se font tatouer des motifs en rapport avec leur activité professionnelle, et petit à petit les différents groupuscules de voyous de la capitale suivent le mouvement pour se démarquer des nouveaux styles de tatouage tendance. 

A cette époque, le tatouage c’était une aiguille, du noir de charbon ou un peu d’encre pour les plus chanceux, et de l’eau de vie pour désinfecter. Quant à la précision, tout reposait sur la main tremblotante du camarade … mais peu importe, ce qui était important pour ces voyous à l’époque, c’était plutôt la signification.

Tatouage nos deux coeurs sont unis pour la vie

En termes de nouveaux motifs chez les gangsters on retrouve alors des coeurs percés, des poignards, des fleurs, des serpents, des tigres, des chiens, ou encore des pigeons messagers. Des nouveaux motifs qui viennent s’ajouter aux anciens, qui étaient souvent des dessins obscènes, ou des phrases provocatrices contre la société, les politiques, et l’autorité : « mort aux vaches » ; « né sous une mauvaise étoile » …

À cette époque les gangsters éprouvaient aussi beaucoup d’intérêt pour les points, car selon leur disposition il signifient justement une appartenance à un groupe, on avait entre autre :

– Les 5 points en croix sur la main gauche pour signifier « enfermé entre 4 murs » pour ceux qui étaient passés par la case prison.

Tatouages en point signification gangster

– Le point sur la joue gauche ou sous l’oeil gauche, appelé « lentille » à l’époque, pour s’identifier comme voyou.

– Le point sous l’deuil droit, dit « le point de Fraye », pour s’identifier entre homosexuels.

Tatouage point sous l'oeil

Il y avait aussi le tatouage des proxénètes, un métier très répandu dans le Paris de cette époque : une tête de femme dans une feuille de trèfle, car le trèfle en argot signifie l’argent, et que ces femmes sont là pour lui en rapporter. Par ailleurs à l’époque on appelait le proxénète le « souteneur », et les femmes les « marmites » – Le souteneur et ses marmites.

On trouvait aussi un grand intérêt pour les serpents, et encore aujourd’hui. Sa symbolique varie selon sa position, si il a la tête vers le haut il symbolise le chagrin d’amour, et le désir de vengeance par rapport à ça, et si il a la tête vers le bas, c’est que ce chagrin a déjà été vengé, et qu’on décourage qui que ce soit de s’en prendre à ceux qu’on aime.

En plus d’être un signe de reconnaissance entre les gangsters, les tatouages étaient donc un journal de bord, c’était à l’époque l’autobiographie de ceux qui ne savaient pas écrire. Et petit à petit ils se sont démocratisés, et ont gagné en popularité pour leur coté esthétique. De nos jours, la signification n’est plus obligatoire même si c’est vrai qu’elle est censée être l’élément déclencheur du tatouage. C’est toujours mieux si il y en a une, mais autrement ce n’est pas bien grave, tant qu’il est beau et qu’il te plaît, c’est ça l’important.